"Le jour de la Saint-Valentin 2019, j’étais au lit avec ma petite amie, dans une chambre d’hôtel à Seattle, shooté aux champignons hallucinogènes. Je lui faisais écouter des petits extraits de l’album, à cette période dans sa forme inachevée. A ce moment-là, on allait l’appeler I hope you meet everything you fear (j’espère que tu rencontreras chacune de tes craintes). J’imagine que ça pourrait encore être le cas, mais en entendant les chansons en sortant de mon propre ego, j’ai commencé à discerner une habitude récurrente, ou plutôt une personne… un garçon. Un garçon qui a vraiment essayé pendant longtemps de remplir un vide dans son cœur. Un garçon qui ne savait pas être seul, mais qui passait le plus clair de son temps à flotter dans sa propre tête. Un garçon qui voulait vraiment, vraiment faire l’expérience de l’amour, l’expérience d’un amour majestueux, d’un amour épique, et au bout du compte, un garçon qui n’avait plus rien à prouver.
Ces dernières années furent difficiles pour moi. J’ai vu des espoirs être brisés, des relations échouer. J’ai senti la mortalité de mon propre corps. J’ai été blessé et j’ai blessé. J’ai tourné en rond dans des périodes de toxicomanie, mais sur le chemin j’ai su prendre le dessus sur moi-même. J’ai été capable de regarder dans le miroir avec plus de grâce et d’être en accord avec la personne que j’y voyais, avec tous ses défauts et imperfections.
Certaines de ces chansons sont très anciennes. Quelqu’un m’a dit une fois que les auteurs-compositeurs étaient comme des prophètes (bien qu’il ait dit qu’on ne devrait jamais le dire en interview. Désolé John). Nous sommes censés voir des choses que d’autres ne peuvent pas voir. Parfois, ces « autres » sont nous-mêmes. Il y a des chansons sur ce disque que j’ai écrit il y a des années de cela, sans vraiment saisir leur signification jusqu’à maintenant. Mon thérapeute dit que l’art est le soi s’adressant à soi-même. Je suppose que j’essayais de faire passer un message, jeté dans une mer de chansons comme un message dans une bouteille naufragée.
J’imagine cet album comme un film de science-fiction, où un homme voyage à travers l’obscurité infinie de l’espace, seul dans son vaisseau. Il finit par devenir fou, reçoit la visite d’un être interstellaire de lumière qui lui fait une révélation. Il tombe dans un état de rêve et fait l’amour avec un ange et se sent entier pour un instant. Plus tard, il se réveille seul dans son siège, avec cette sorte de triste mais belle assurance qui vient avec l’acceptation de sa propre solitude.
Ce projet est extrêmement personnel. Il parle d’amour, il parle d’échec, il parle de drogue, il parle de sexe, il parle d’âge, de regret, il parle de lui-même (très méta, je sais) et parle de trouver la paix. Je pense que je ne me suis jamais autant investi dans quelque chose de toute ma vie. Ça a été thérapeutique, j’ai beaucoup pleuré.
Mon ami proche et producteur Andy Park a aussi versé toute son âme dans ce disque. Nous avons passé 2 ans, la plupart du temps dans son appartement, à bâtir. Parfois, on avait l’impression de lâcher une dalle de béton, avec la foi aveugle que quelque part à l’intérieur se trouvait une belle sculpture. C’est autant son album que le mien. Aussi, dédicace à sa charmante petite amie Tess pour m’avoir constamment laissé envahir leur espace et leur faire rater Game of Thrones à cause de mes appels pour des mixages de dernière minute.
À toutes les personnes dans ces chansons, je vous aime. Je suis désolé pour le mal que j’ai pu causer.
Et à toi, auditeur, j’espère que tu sauras donner une place à cet album. J’espère qu’il te touchera, et j’espère surtout qu’il pourra te rappeler d’être gentil avec toi-même, de trouver patience et grâce.
“Je ne sais pas ce que je peux paraître au monde ; mais à moi-même, je semblais seulement être un garçon jouant au bord de la mer, déviant de temps en temps pour trouver un caillou plus lisse ou une coquille plus jolie que l'ordinaire, alors que le grand océan de la vérité était tout à fait inconnu devant moi.”
- Isaac Newton